(Article du 08/01/24)
Une société spécialisée dans les vêtements de sport obtient du juge une saisie-contrefaçon chez une entreprise utilisant, sur des chaussures qu'elle vend, des signes qui rappellent trop sa propre marque. Sauf que dans sa demande auprès du juge, la société n'a pas donné tous les détails de l'affaire... Cette « synthèse » de la situation peut-elle se retourner contre elle ?
Une société spécialisée dans les vêtements de sport détient plusieurs marques figuratives, toutes enregistrées et protégées comme il se doit auprès des autorités compétentes.
Une autre entreprise produit, elle aussi, des articles de sport, dont une paire de chaussure de tennis qui porte des éléments de décor qui rappelleraient beaucoup trop la marque de la société de vêtements.
Pour faire cesser ce qu'elle estime être une atteinte à sa marque, la société obtient du juge le droit de faire procéder à une saisie-contrefaçon. Cette procédure permet :
Si cette procédure est très efficace pour lutter contre les contrefaçons, elle peut aussi entraîner des conséquences très importantes pour l'entreprise faisant l'objet de la saisie-contrefaçon. Par exemple, dans le cas d'une saisie réelle, elle peut aboutir à une cessation de fait de l'activité, le temps que le jugement soit prononcé.
Forte de cette saisie-contrefaçon, la société de vêtements se rend devant le juge et demande que l'entreprise vendant les chaussures de tennis soit condamnée pour atteinte à sa marque, contrefaçon et concurrence déloyale.
L'entreprise se défend et conteste directement la saisie-contrefaçon menée à son encontre qu'elle estime déloyale. Pourquoi ? Parce que la société s'est bien gardée d'évoquer 2-3 éléments...
Des informations qui n'avaient pas besoin d'être indiquées dans sa demande de saisie-contrefaçon, répond la société ! « Vraiment ? », s'étonne l'entreprise pour qui, au contraire, ces informations ont toutes leur place.
L'entreprise rappelle que le décor apposé sur les chaussures a déjà fait l'objet d'une opposition entre elle et la société de vêtements de sport. L'entreprise avait en effet demandé l'enregistrement de cet élément comme sa propre marque figurative, enregistrement auquel s'était opposée la société de vêtements qui y voyait une imitation de sa propre marque.
L'administration compétente pour l'enregistrement, ayant exclu toute imitation et donc tout risque de confusion, a bien enregistré la marque de l'entreprise. Cette information importante n'a pourtant pas été transmise au juge par la société de vêtements dans sa demande de saisie-contrefaçon, ce qui caractérise, selon l'entreprise adversaire, un comportement déloyal.
« Pas du tout ! », se défend la société de vêtements. Il s'agit là d'une décision administrative qui ne lie pas le juge. De plus, à partir du moment où le titulaire d'une marque justifie sa qualité à agir en contrefaçon et présente des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, il est en droit d'obtenir une saisie-contrefaçon.
Ici, la société a bien donné toutes les informations nécessaires au juge.
Mais ce dernier n'est pas convaincu, et rappelle que toute demande doit être faite de manière loyale en donnant les informations pouvant influer sa décision. Cela est d'autant plus vrai pour une saisie-contrefaçon, au regard des conséquences importantes qu'elle peut avoir !
Quand bien même la décision administrative de rejet de l'opposition à enregistrement ne lie pas le juge, la société de vêtements aurait dû l'en informer afin de lui permettre d'avoir une vision globale des tenants et des aboutissants de ce litige.
Ne l'ayant pas fait, la société a eu un comportement déloyal. Par conséquent, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon est annulé et la société ne pourra pas l'utiliser contre son adversaire !
Saisie-contrefaçon de tennis : un manque de loyauté dans le match retour ? - © Copyright WebLex