(Article du 26/04/24)
Lorsqu'ils procèdent à des contrôles, les agents des douanes peuvent être amenés à utiliser leur pouvoir d'audition. Mais, en dehors des enquêtes judiciaires ou de toute autorisation particulière, peuvent-ils recueillir « librement » les déclarations des personnes concernées ? Réponse du juge...
Une société importe des marchandises qu'elle utilise pour sa propre production. Elle déclare auprès de l'administration douanière ses importations comme étant exemptées de droits de douane.
Sauf que l'administration des Douanes contrôle ces déclarations : communication des documents, prélèvements d'échantillons, auditions des personnes concernées, etc. Résultats de son enquête ? La société a fait de fausses déclarations : l'administration lui réclame donc les droits de douanes non payés !
« Non ! », refuse la société car, selon elle, le contrôle de l'administration est invalide. Pourquoi ? Parce que ses agents ont interrogé des collaborateurs de la société alors qu'ils n'en avaient pas le pouvoir !
Argument contesté par l'administration : les collaborateurs interrogés ont accepté de répondre aux questions des agents, la procédure est donc parfaitement valable !
« Faux ! », conteste la société : au moment des faits, seuls les agents de douane judiciaire, habilités à enquêter, avaient le pouvoir d'auditionner les collaborateurs en question.
Or ici, les agents n'agissaient pas en cette qualité. Il aurait donc fallu que les interrogatoires soient menés par la police ou autorisés par le procureur de la République ou le juge d'instruction.
Qu'en pense le juge ?
Qu'est-ce que la chambre mixte ?Arrêtons-nous un instant pour faire le point car le juge en charge de cette affaire est important : il s'agit de la chambre mixte de la Cour de cassation.
Pour rappel, la Cour de cassation est divisée en chambres qui se répartissent les dossiers en fonction des matières : affaires, pénal, famille, assurance, etc.
Parmi elles se trouve la chambre mixte. Comme son nom l'indique, elle réunit plusieurs chambres concernées par une même affaire.
Elle n'est sollicitée que pour des dossiers importants où les chambres de la Cour de cassation n'ont pas la même application du droit. Elle permet de fixer la règle et de mettre fin aux différences.
Et ici, 2 visions s'affrontent. Du côté de la chambre criminelle, on considère que les agents, sauf dans les cas indiqués précédemment, ne peuvent pas recueillir les déclarations spontanées des personnes. Autrement dit, avec cette vision, c'est la société qui aurait gain de cause.
Sauf que la chambre commerciale n'est pas du tout du même avis. Selon elle, ce type d'audition est tout à fait valable, ce qui revient à donner raison à l'administration.
Réponse à notre affaireLa chambre mixte donne donc la solution : les agents des douanes peuvent valablement recueillir les témoignages des personnes concernées par leur enquête en lien avec leurs contrôles. Ces déclarations peuvent être spontanées ou directement sollicitées par les agents (via des réponses à des questions posées).
Les agents devront, bien entendu, respecter les droits de la défense et n'exercer aucune contrainte.
Conséquence dans cette affaire ? Le contrôle de l'administration est valable et la société doit payer les droits de douane !
Contrôle des agents des douanes : « Tout ce que vous dîtes pourra être retenu contre vous » (?) - © Copyright WebLex